Interview de l'auteure Ella Balaert par Sylvie Baussier
1) Tu écris des romans pour les
enfants, et d'autres pour les adultes. Ces
deux types d'écriture sont-elles
très différentes pour toi? As-tu une
préférence?
Non,
aucune préférence. Les écritures sont
différentes, mais les thématiques, récurrentes. Cela dit, les attentes (des
lecteurs), en littérature générale , sont peut-être moins contraignantes. Pour celles des éditeurs, en revanche, faut
voir.
2) Avoir les deux "casquettes"
t'a-t-il parfois posé des problèmes (d'image
ou autre) ?
Les
casquettes, c'est comme les étiquettes, ça me gêne par principe. On rencontre
encore, parfois, des gens pour qui écrire pour les jeunes, c'est, au mieux, ne
pas "Ecrire" (au sens "Littéraire" du mot), au pire, écrire
mal. Mais ces gens-là manquent de
culture. Ils connaissent aussi peu la
littérature jeunesse que la littérature générale. Non, le vrai problème, c'est les salons :
certains organisateurs ne savent pas de
quel côté poser mes livres… alors ils en mettent en "adultes" et en
"jeunesse", et je vais d'une table à l 'autre. ça me promène. J'adorerais être inclassable…
3)
Tu écris également des nouvelles pour les
adultes. Penses-tu que le genre
de la nouvelle soit adapté au
public adolescent?
Pourquoi
pas? C'est un genre très exigeant. La nouvelle peut séduire en paraissant plus
facile d'accès que le roman (texte plus bref, plus vite lu, souvent plus
linéaire, avec moins de personnages et de digressions); elle réclame pourtant une attention plus concentrée et projette
sur le réel une lumière souvent fantastique. Comme certains tableaux forment le
regard par la rigueur de leur composition, elle propose une autre approche du
réel: à l'adolescence, ce peut être bienvenu. Mais il y a des ados qui
préfèreront sans doute s'immerger dans des sommes romanesques… et d'autres qui trouveront ailleurs que dans la
littérature de quoi nourrir leur soif d'imaginaire.
4)L'univers quotidien et les romans
historiques se côtoient dans ta
bibliographie. Quels sont tes
thèmes de prédiction pour la jeunesse?
Les
mêmes qu'en littérature générale: le désir de liberté de personnages aux prises
avec un destin qui les entrave (destin
familial, social, historique), la recherche d'une identité propre, c'est-à-dire
d'une vérité sous l'apparence, l'illusion,
le secret - mais peut-être n'y en a-t-il pas à chercher, peut-être la vérité
est-elle dans le masque lui-même. Ma petite Castagnette qui n'aime pas son
surnom parce que ça ne lui correspond pas (en jeunesse) et Mary Read qui cache
une identité féminine sous des habits de pirate (en litt. générale) : même
combat! Stéphane qui cache à tous qu'il ne sait pas lire, ou Jennifer que sa mère
touche à peine le RMI (litt. jeunesse) et mes trois femmes qui en inventent une
quatrième pour la lancer sur internet à la conquête d'un homme (litt. générale)
: même désarroi. Seuls changent les
styles, les genres, les époques, les ambiances aussi: je suis incapable de
terminer tragiquement une histoire que je destine aux jeunes. Pas envie de les
démoraliser. Pas besoin de moi pour cela, d'ailleurs…
5)
Quels sont tes projets actuels, si ce
n'est pas top secret?
Une
biographie/fiction sur George Sand dans sa maison de Nohant sort dans un mois
(mars 2012). Sacrée femme, cette George, et qu'on a très injustement sous-estimée
(voire carrément méprisée).
6)
Quels sont tes auteurs préférés, en
jeunesse et pour adultes? Ceux que tu
lis avec délectation, ceux dont tu
te dis peut-être "J'aurais bien aimé
écrire ça".
Joker,
pour les contemporains! je ne veux pas vexer ceux que j'oublierais de citer.
Dans
les albums classiques pour enfants que j'ai adorés lire, explorer et relire
avec mes trois enfants, il y notamment ceux de T. Ross, Léo Lionni, Max le lapin, Bonsoir, lune, Beatrix
Potter, La boîte à soleil, Roule galette et
autres albums de l'enfance. En classiques, pour plus grands, j'aurais bien aimé écrire … il y en a
tellement!! J'ai une admiration passionnée pour les textes qui prennent à la
gorge et vous embarquent, de gré ou de force, dans leur univers, et dans le domaine littéraire, je dirais que
tous les moyens sont bons… la fausse
simplicité, la sophistication, la phrase démesurée, la brièveté lapidaire, le
héros admirable, l'anti-héros détestable, tout, pourvu que ces moyens formels soient nécessaires à la mise en mots d'une
vision du monde, signée V.Woolf, Faulkner, Kafka, Racine, Molière, Carroll,
Oé, Dostoievski, Zweig, Stendhal, Chester
Himes ou Vautrin, Dickens, Poe,
Andersen, (je mets les contes ici, oui, il n'y a pas d'âge pour les
lire, comme ceux que Gougaud a recueillis), Calvino, Hoffmann, Joyce, Capote, Maupassant,
Carver, Austen, vite, en vrac et en oubliant sûrement ceux qui m'ont le plus
marquée. Parce que si on ne les oublie pas, le moyen d'écrire après eux? Il y a
un temps pour le "j'aurais bien aimé écrire", et un autre pour le
"voyons voyons, qu'est-ce que je vais écrire, maintenant"…
Merci,
Sylvie!
mon
site: http://ellabalaert.wordpress.com
Quelques titres (sélection):
Litt. générale:
- George
Sand à Nohant: drames et mimodrames, Belin, à paraître 16 mars 2012
-Pseudo,
éditions Myriapode, 2011
- Mary pirate, Zulma, 2001
Nouvelles en ligne
- Monsieur Marcel, 2011, (revue Secousse) :
http://revue-secousse.fr/Secousse-03/Proses/Sks03-Balaert-Marcel.pdf
- Chers petits soldats, 2005: http://ellabalaert.wordpress.com/2010/12/15/nouvelle-en-ligne-ella-balaert-chers-petits-soldats/
- Allo, Solange, 1996: http://ellabalaert.wordpress.com/2011/03/19/ella-balaert-allo-solange-nouvelle/
Litt. jeunesse:
- La
lettre déchirée, Flammarion, 1997/nouvelle
édition 2012
- Les
voiles de la Liberté (t.1) Le pain de
la Liberté (t.2), Gulf Stream, 2010
- Quand on a
17 ans,
Rageot, 2007
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