lundi 19 mars 2012

Interview d'Ella Balaert par Sylvie Baussier


Interview de l'auteure Ella Balaert par Sylvie Baussier

1) Tu écris des romans pour les enfants, et d'autres pour les adultes. Ces
deux types d'écriture sont-elles très différentes pour toi? As-tu une
préférence?
Non, aucune préférence.  Les écritures sont différentes, mais les thématiques, récurrentes. Cela dit, les attentes (des lecteurs), en littérature générale , sont peut-être moins contraignantes.  Pour celles des éditeurs, en revanche, faut voir.
2) Avoir les deux "casquettes" t'a-t-il parfois posé des problèmes (d'image
ou autre) ?
Les casquettes, c'est comme les étiquettes, ça me gêne par principe. On rencontre encore, parfois, des gens pour qui écrire pour les jeunes, c'est, au mieux, ne pas "Ecrire" (au sens "Littéraire" du mot), au pire, écrire mal.  Mais ces gens-là manquent de culture. Ils connaissent aussi peu la  littérature jeunesse que la littérature générale.  Non, le vrai problème, c'est les salons : certains organisateurs ne savent pas  de quel côté poser mes livres… alors ils en mettent  en "adultes" et en "jeunesse", et je vais d'une table à l 'autre. ça me promène.  J'adorerais être inclassable…
3) Tu écris également des nouvelles pour les adultes. Penses-tu que le genre
de la nouvelle soit adapté au public adolescent?
Pourquoi pas? C'est un genre très exigeant. La nouvelle peut séduire en paraissant plus facile d'accès que le roman (texte plus bref, plus vite lu, souvent plus linéaire, avec moins de personnages et de digressions);  elle réclame  pourtant une attention plus concentrée et projette sur le réel une lumière souvent fantastique. Comme certains tableaux forment le regard par la rigueur de leur composition, elle propose une autre approche du réel: à l'adolescence, ce peut être bienvenu. Mais il y a des ados qui préfèreront sans doute s'immerger dans des sommes romanesques… et d'autres  qui trouveront ailleurs que dans la littérature de quoi nourrir leur soif d'imaginaire.
4)L'univers quotidien et les romans historiques se côtoient dans ta
bibliographie. Quels sont tes thèmes de prédiction pour la jeunesse?
Les mêmes qu'en littérature générale: le désir de liberté de personnages aux prises avec un destin  qui les entrave (destin familial, social, historique), la recherche d'une identité propre, c'est-à-dire d'une vérité sous  l'apparence, l'illusion, le secret - mais peut-être n'y en a-t-il pas à chercher, peut-être la vérité est-elle dans le masque lui-même. Ma petite Castagnette qui n'aime pas son surnom parce que ça ne lui correspond pas (en jeunesse) et Mary Read qui cache une identité féminine sous des habits de pirate (en litt. générale) : même combat! Stéphane qui cache à tous qu'il ne sait pas lire, ou Jennifer que sa mère touche à peine le RMI (litt. jeunesse) et mes trois femmes qui en inventent une quatrième pour la lancer sur internet à la conquête d'un homme (litt. générale) : même désarroi.  Seuls changent les styles, les genres, les époques, les ambiances aussi: je suis incapable de terminer tragiquement une histoire que je destine aux jeunes. Pas envie de les démoraliser. Pas besoin de moi pour cela, d'ailleurs…
5) Quels sont tes projets actuels, si ce n'est pas top secret?
Une biographie/fiction sur George Sand dans sa maison de Nohant sort dans un mois (mars 2012). Sacrée femme, cette George, et qu'on a très injustement sous-estimée (voire carrément méprisée).
6) Quels sont tes auteurs préférés, en jeunesse et pour adultes? Ceux que tu
lis avec délectation, ceux dont tu te dis peut-être "J'aurais bien aimé
écrire ça".
Joker, pour les contemporains! je ne veux pas vexer ceux que j'oublierais de citer.
Dans les albums classiques pour enfants que j'ai adorés lire, explorer et relire avec mes trois enfants, il y notamment ceux de T. Ross,  Léo Lionni, Max le lapin, Bonsoir, lune,  Beatrix Potter, La boîte à soleil, Roule galette   et autres albums de l'enfance. En  classiques, pour plus grands,  j'aurais bien aimé écrire … il y en a tellement!! J'ai une admiration passionnée pour les textes qui prennent à la gorge et vous embarquent, de gré ou de force, dans leur univers,  et dans le domaine littéraire, je dirais que tous les moyens sont bons…  la fausse simplicité, la sophistication, la phrase démesurée, la brièveté lapidaire, le héros admirable, l'anti-héros détestable, tout,  pourvu que ces moyens formels  soient nécessaires à la mise en mots d'une vision du monde, signée V.Woolf, Faulkner, Kafka, Racine, Molière, Carroll, Oé,  Dostoievski, Zweig, Stendhal, Chester Himes ou Vautrin, Dickens, Poe,  Andersen, (je mets les contes ici, oui, il n'y a pas d'âge pour les lire, comme ceux que Gougaud a recueillis), Calvino, Hoffmann, Joyce, Capote, Maupassant, Carver, Austen, vite, en vrac et en oubliant sûrement ceux qui m'ont le plus marquée. Parce que si on ne les oublie pas, le moyen d'écrire après eux? Il y a un temps pour le "j'aurais bien aimé écrire", et un autre pour le "voyons voyons, qu'est-ce que je vais écrire, maintenant"…
Merci, Sylvie!

Quelques titres (sélection):
Litt. générale:
- George  Sand à Nohant: drames et mimodrames, Belin, à paraître 16 mars 2012
 -Pseudo, éditions Myriapode, 2011
- Mary pirate,  Zulma, 2001
Nouvelles en ligne
- Monsieur Marcel, 2011, (revue Secousse) : http://revue-secousse.fr/Secousse-03/Proses/Sks03-Balaert-Marcel.pdf
- Chers petits soldats, 2005: http://ellabalaert.wordpress.com/2010/12/15/nouvelle-en-ligne-ella-balaert-chers-petits-soldats/
 -  Allo, Solange, 1996: http://ellabalaert.wordpress.com/2011/03/19/ella-balaert-allo-solange-nouvelle/
Litt. jeunesse:
-  La lettre déchirée,  Flammarion, 1997/nouvelle édition 2012
-  Les voiles de la Liberté (t.1) Le pain de la Liberté (t.2),  Gulf Stream, 2010
-  Quand on a 17 ans, Rageot,  2007  


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